Les partenaires techniques et financiers sont en première ligne aux côtés du gouvernement dans la réponse au Covid-19. La Banque mondiale va utiliser les acquis de cette crise pour réajuster son programme afin de renforcer la résilience du pays face au choc.

Les partenaires techniques et financiers sont en première ligne aux côtés du gouvernement dans la réponse au Covid-19. La Banque mondiale va utiliser les acquis de cette crise pour réajuster son programme afin de renforcer la résilience du pays face au choc.


  • Au total, combien la Banque mondiale a-t-elle alloué à Madagascar pour lutter contre la pandémie ?

– Jusqu’à présent, la réponse au Covid-19 de la part du Groupe de la Banque mondiale à Madagascar se chiffre à un montant de 271 millions de dollars, dont 236 millions de dollars pour la Banque mondiale et 35 millions de dollars pour l’IFC (Société financière internationale). La Banque mondiale intervient sur quatre fronts dans cette crise sans précédent : préserver les vies humaines, préserver les moyens de subsistance, préserver les emplois, et préserver l’économie. De multiples programmes existants de la Banque mondiale ont été ainsi mobilisés ou sont en cours de restructuration afin de soutenir les populations et le gouvernement de Madagascar sur ces axes.

  • Qu’en est-il du maintien des emplois et du soutien au secteur privé rudement touché par la crise ?

– Avec l’appui du Groupe de la Banque mondiale, le ministère de l’Industrie, du commerce et de l’artisanat est en train de préparer un plan de relance pour le secteur privé (ndlr, plan de mitigation) avec le concours du patronat et des autres partenaires techniques et financiers. Ce plan vise notamment à répondre aux inquiétudes des employés par une approche de sauvegarde de l’emploi et des revenus du secteur formel et informel. En attendant la finalisation et le chiffrage du plan de relance, l’IFC est en train d’étudier la mise en place des lignes de financement de l’ordre de 35 millions de dollars en appui au secteur financier et au secteur réel. Ces lignes de financement auront pour bénéficiaires ultimes les petites et moyennes entreprises ainsi que les paysans.

  • La Banque mondiale a-t-elle prévu un soutien particulier au tourisme ?

– Dans le secteur du tourisme, la Banque est en discussion avec le gouvernement pour l’allocation de 5 millions de dollars pour venir en aide aux entreprises et opérateurs touristiques afin de financer partiellement les salaires sur une durée limitée dans le but d’éviter le chômage technique et la cessation des activités. Le financement couvrira également une assistance technique pour la réouverture de la desserte aérienne et la communication de crise. Mille entreprises touristiques établies dans les zones du projet Pôles intégrés de Croissance (PIC) bénéficieront de cet appui. L’appui pourra par la suite être élargi à Antananarivo et d’autres régions suivant une restructuration des fonds du projet.

  • La question de l’endettement est souvent soulevée par l’opinion. Peut-on savoir quelle est la part de prêt et de don dans le cadre du soutien de la Banque mondiale dans la réponse au Covid-19 ?

– La répartition actuelle de l’allocation générale pour Madagascar est de 50% don et 50% crédit à des taux concessionnels. Tous les nouveaux fonds respecteront cette clé de répartition et tous les autres fonds réalloués dans les projets déjà existants maintiendront leur terme financier suivant les accords de financement déjà signés. Les taux d’intérêt des prêts de la Banque mondiale sont quasiment nuls. Le pays ne paie que les frais de service de l’ordre de 0,75% (en DTS). Madagascar bénéficie d’une période de grâce de 6 ans avant le premier remboursement du prêt principal de l’ordre de 3,125% par an jusqu’à 38 ans de maturité.

  • Une partie de l’opinion a demandé plus de transparence dans la gestion des aides. Avez-vous des exigences particulières sur cette question de la transparence en ces temps d’urgence ?

– La transparence est très importante notamment dans les situations de crise telles que le monde vit aujourd’hui. Pour la Banque mondiale, tous ses appuis financiers sont mis en œuvre selon les règles de gouvernance et de transparence précisés dans des documents légaux et leur mise en œuvre suivra les procédures opérationnelles de la Banque mondiale, notamment en ce qui concerne la passation des marchés, la gestion financière et les procédures de sauvegardes environnementales et sociales. Les aides budgétaires sont également conditionnées à des actions préalables, notamment dans le domaine de la transparence budgétaire. La mission du Groupe de la Banque mondiale est centrée sur deux objectifs : la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la prospérité et pour ce faire, nous nous assurons que les financements du Groupe de la Banque Mondiale sont utilisés pour les objectifs pour lesquels ils ont été approuvés et qu’ils sont mis au bénéfice des populations malgaches, notamment les plus vulnérables.

  • Avez-vous une estimation des aides que Madagascar a reçues jusqu’ici sur ce front de la part de la Banque mondiale (Depuis le début de la relation entre Madagascar et la Banque) ?

– Les aides et interventions de la Banque mondiale dans le secteur de la santé à Madagascar sont évaluées à 415 millions de dollars ces 15 dernières années.

  • Le fait que l’OMS ait appelé les pays africains à « se préparer au pire » en mars à cause de la faiblesse des systèmes de santé n’est il pas selon vous un aveu d’échec pour toutes les aides qui ont été dirigées vers le continent pour renforcer justement ces systèmes de santé ?

– Une chose que nous avons apprise du Covid-19 est que tous les pays, développés ou en voie de développement ont beaucoup à améliorer pour répondre efficacement à des pandémies de l’envergure de Covid-19. Le moins qu’on puisse dire est que le Covid-19 interpelle les gouvernements, les institutions de développement comme la nôtre sur la capacité des systèmes de santé à répondre efficacement et rapidement aux crises d’une telle envergure. Au niveau de la Banque mondiale, même si nous avons depuis longtemps mis le capital humain – dont la santé – au cœur de nos interventions, nous reconnaissons qu’il y a des lacunes, que le Covid-19 a mises en lumière. Cette crise nous montre qu’il faut investir davantage dans ce que les pays ont de plus important : le capital humain. Pour le cas de Madagascar, bien avant le coronavirus, en 2017, le pays a fait une évaluation du système de réponse aux pandémies dans le cadre de l’évaluation externe conjointe des capacités dans le cadre du Règlement Sanitaire International (RSI, 2017).Tout en répondant à cette crise, nous sommes également en train de discuter avec le gouvernement dans quelle mesure nous pouvons appuyer pour renforcer davantage le système de santé à Madagascar qui puisse répondre rapidement et de façon efficace aux épidémies. Nous allons sûrement réajuster notre programme en fonction des besoins que cette crise du Covid-19 a mis en lumière.

  • Est-ce que la pandémie du Covid-19 pourrait changer l’approche de la Banque mondiale dans les aides accordées aux pays africains dans le domaine de la santé ?

– L’approche de la Banque mondiale dans les aides accordées aux pays africains va changer et change déjà et pas seulement dans le domaine de la santé. La Banque mondiale est consciente que dans cette crise à laquelle nous faisons face, nous combattons un ennemi dont on ne connait pas encore le profil. D’ores et déjà, nous avons ajusté notre temps de réponse. « No business as usual » est le motto de nos interventions durant cette période de Covid-19. Depuis l’annonce du Groupe de la Banque mondiale de sa réponse au Covid-19, la Banque a approuvé des programmes pour plus de 80 pays pour un montant total de 11 milliards de dollars en moins d’un mois. Si auparavant, la préparation de nouveaux financements demandait des mois, avec cette crise, nous le faisons en moyenne entre deux à quatre semaines au maximum ici à Madagascar. La mise en place de la réponse au plan de contingence sanitaire de même que celle au plan de protection sociale a pris 10 jours. C’est aussi le cas par exemple pour la préparation actuelle du financement additionnel de 50 millions de dollars dans le cadre de la gestion des risques de catastrophe (CatDDO). Nul doute que les leçons que nous apprendrons de cette crise vont forger les prochains programmes que nous allons réaliser avec les pays notamment dans le renforcement des systèmes de riposte aux pandémies. Je suis sûre que cela ira au-delà des systèmes de santé mais aussi dans d’autres secteurs pour renforcer la résilience des pays aux chocs. L’adage dit qu’il ne faut jamais laisser une crise passer sans utiliser une telle opportunité pour accélérer les réformes nécessaires pour éviter la prochaine crise. Ceci est vrai pour les pays mais aussi pour la Banque mondiale.

  • Sur le front de l’éducation. Peut-on craindre une grande vague de déscolarisation pour la prochaine rentrée ?

– La pandémie Covid-19 menace le progrès de l’éducation dans le monde à travers deux chocs majeurs : la fermeture quasi universelle des écoles, et la récession économique déclenchée par les mesures de lutte contre la pandémie. Cette crise du Covid-19 nous interpelle aussi dans le domaine de l’éducation. Comment l’enseignement sera-t-il donné aux élèves malgaches si la crise se prolonge ? Comment repenser les systèmes d’enseignement en intégrant les technologies ? Comment réduire l’abandon scolaire qui menace des milliers d’enfants malgaches dans ce contexte ? Autant de questions importantes qui nous interpellent tous : gouvernements – enseignants – parents et bailleurs de fonds… Nous saluons les efforts du gouvernement dans la mise en place de ces programmes d’enseignement à distance à travers la radio et la télévision mais nous devons reconnaître que cela ne pourra pas remplacer les cours présentiels à l’école. Or, opter pour un enseignement à distance en ligne comme ce qui se fait actuellement dans les pays développés est encore très problématique pour Madagascar où l’accès a l’internet est encore très faible. L’éducation est aussi l’un de ces domaines dans lesquels la crise du Covid-19 a montré des lacunes profondes auxquelles nous devons répondre.

  • Comment la Banque mondiale envisagerait-elle d’aider le pays sur ce front ?

– Grâce à un don du Partenariat Mondial pour l’éducation, la Banque mondiale appuie actuellement le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement technique et Professionnel (MENETP) dans la préparation d’un projet d’urgence d’un montant de 15 millions de dollars. Le projet financera des activités inscrites dans la stratégie de réponse du secteur de l’éducation face au Covid-19. Ce financement contribuera, d’un côté, à la réponse immédiate à l’arrêt des services éducatifs afin d’assurer la continuité de l’apprentissage. Le projet renforcera le dispositif de l’enseignement à distance actuel, en l’occurrence les émissions radio et la télévision, ainsi que le renforcement de l’utilisation des nouvelles technologies. D’un autre côté, le financement concernera également la préparation à la réouverture des établissements et la reprise des services éducatifs : l’approvisionnement de kits d’hygiène, et une campagne de sensibilisation sur le « Retour à l’école ». Un appui aux enseignants non subventionnés est aussi prévu.

  • Le ministère de l’économie a revu à la baisse le taux de croissance à 1.5%. Cette projection est quelque peu optimiste par rapport à celle du rapport Africa’s Pulse qui évoque une récession entre 2.1% et 5.1% pour la région. Quelle est votre estimation pour Madagascar pour 2020 ? Quels sont les secteurs qui pourront encore porter l’économie malgache cette année ?

– La pandémie mondiale de Covid-19 devrait sérieusement affecter l’économie malgache cette année, notamment à travers l’effondrement du commerce international et de l’activité touristique. Les mesures de confinement devraient également contribuer à ce ralentissement, affectant plus particulièrement les populations vulnérables des zones urbaines. Lors de la finalisation du rapport de l’Africa’s Pulse début avril, nous estimions la croissance à Madagascar à 1,2% cette année, mais la situation internationale a continué de se dégrader et ces prévisions paraissent à leur tour optimistes. Une récession est maintenant envisageable en 2020, mais la situation est extrêmement fluide et les prévisions particulièrement incertaines. En termes de secteurs résilients, la production agricole devrait être moins impactée que les secteurs manufacturiers et les services, même si certaines chaines de valeur ont été perturbées par les mesures de confinement.

Publié le 07 May 2020 sur Tolotra Andrianalizah (lexpress.mg)